France 2006; Économie toujours la panne sèche

Claude Imbert, l'Express 22 fév 2006 (extrait de son éditorial)

Nous sommes encore en hiver et la France aussi ! En 2005, une croissance, une fois de plus, poussive, puis le fluide glacial de nos échanges commerciaux donnent le bourdon.

En France, une énorme vérité cherche à sortir du puits. La voici : « Une nation industrielle n'est pas un parc de loisirs où les retraités sont de plus en plus jeunes, les étudiants de plus en plus âgés, les horaires de travail de plus en plus réduits, et les congés de plus en plus longs (1)... » Hélas, cette plate évidence gigote encore à la margelle du puits. La France des 35 heures ne veut toujours pas voir que les libéralités exorbitantes consenties par l'Etat providence - ou arrachées de force à son insigne faiblesse - sont en train de couler la nation.

Or, voici que le désastreux et, depuis vingt-cinq ans, persistant poison du chômage, de même que les avertissements qui désormais dégringolent de partout sur l'état cruel de notre pays, commencent de faire réfléchir : ils peuplent nos cafés du Commerce d'une foule croissante de « déclinologues » amateurs... Une partie désormais consistante de l'opinion comprend que le « modèle social » français est la cause principale du chômage, ne profite qu'aux salariés déjà protégés, pénalise les jeunes, les femmes, les immigrés, et nous entraîne vers des gouffres.

Aussi bien, le mérite du gouvernement Villepin, avec son contrat de première embauche, est-il d'enfoncer - enfin ! - un coin dans la bastille de cet ancien régime : le Code du travail et son byzantinisme malthusien. Contre l'effraction de sa cassette, la gauche organise la contre-réforme, son marchepied pour la présidentielle de 2007. Son viatique sera, une fois encore, la rue. Le 7 mars (après les vacances...), on précipitera la jeunesse contre la « précarité ». Comme si tous les jeunes de France devaient déjà vivre et penser en proches retraités. Comme si tous aspiraient à une nation de fond en comble encoconnée dans la fonction publique. Comme si les méchants patrons d'un secteur privé - celui qui fait bouillir la marmite de la nation - se frottaient d'avance les mains à l'idée de licencier à tour de bras... Bref, un festival de démagogie où l'utilisation cynique de la piétaille étudiante écoeure les moins délicats.

La capitulation historique de Chirac-Juppé, en décembre 1995, inaugura une défaite magistrale de la volonté des urnes devant la censure de la rue. Depuis cette date, on attend que soit tranché ce noeud coulant qui étrangle la nation. Villepin tente aujourd'hui sinon de le trancher, du moins de le dénouer. Grâce lui soit rendue !...
Comme prévu, à gauche, c'est la surenchère d'« à gauche toute » qui rameute la petite troupe affairée de ses présidentiables. Seul le sourire dents blanches de Ségolène Royal ose saluer le moderne Tony Blair : fraîcheur menthol !

Espérons que la rue décevra la contre-réforme ! La rue - on en est là ! - devient l'arbitre d'une démocratie flageolante.